Des écosystèmes au secours de la ville
En septembre dernier, à Paris, un colloque organisé par Natureparif, le GIS(1) Climat-Environnement-Société et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie réunissait des chercheurs, des gestionnaires et des praticiens sur le thème « La Nature, source de solutions [au changement climatique] en Ile-de-France ». Deux journées de conférences et de débats pour explorer les stratégies s’appuyant sur le vivant dans les contextes urbain, forestier et agricole.
Le vivant, rempart face aux risques
Disons-le d’emblée, la capacité des écosystèmes urbains à atténuer le changement climatique ne pèse pas lourd dans la balance mais dans l’urgence actuelle, peut-on se permettre le luxe de refuser la moindre contribution, même minime ? En revanche, ils ont un rôle indispensable pour l’adaptation des villes aux climats actuels et futurs.
Leur utilité face aux vagues de chaleur ne fait plus aucun doute, grâce à l’ombre des feuillages et l’évaporation de l’eau que les plantes tirent du sol. Cette dernière est d’ailleurs un facteur limitant : pas de miracle, sans eau les plantes ne transpirent pas et le rafraîchissement est moindre. Coup de chance, les excès d’eau de pluie sont aussi un problème que les écosystèmes urbains gèrent à merveille. Là où la chaussée bitumée fait ruisseler l’eau jusqu’à l’égout (avec des risques de débordement, d’inondation, de pollution), les espaces de pleine terre l’absorbent comme des éponges et la conservent, jusqu’à ce que les plantes y puisent leurs besoins quotidiens.
Autre souci auxquels les écosystèmes urbains peuvent répondre : les inondations. Longtemps, on a cru pouvoir en protéger les villes en canalisant les fleuves et rivières entre deux remparts maçonnés. Une solution qui suffit en temps normal mais qui, lorsqu’elle est dépassée, peut s’avérer contre-productive. Rupture de digue et vague de submersion, déferlement de l’eau sur les surfaces imperméables, mauvais drainage une fois la crue terminée… accroissent les dégâts de la « simple » montée des eaux. Les ouvrages artificiels ont un volume fixe, déterminé au moment de leur édification et nécessairement sous-évalué par rapport à l’ampleur croissante des catastrophes auxquelles nous devons nous attendre. À l’inverse, les systèmes vivants peuvent s’accroître, évoluer au gré du cours d’eau (populations végétales, propriétés hydriques des sols, relief…) et se « réparer » après la crise. Bien entendu, il s’agit avant tout d’éloigner toute construction des zones à risque.
Gestion des ravageurs, santé des habitants, traitement des eaux polluées, qualité de l’air… Selon les types d’écosystèmes et leurs qualités écologiques, ils peuvent avoir encore bien d’autres fonctions.
Quel rôle de l’urbaniste ?
L’aménageur dispose d’un levier de taille : le pouvoir de ne pas (ou de moins) artificialiser les sols. Le paradigme du « tout bitume » n’est plus soutenable ; de plus en plus de ville font d’ailleurs marche arrière en désimperméabilisant leurs espaces publics, comme à Bordeaux, Portland (dans l’Oregon) ou dans plusieurs villes du Canada. Plutôt que de considérer comme des « alternatives » les options perméables (cheminements bois, pavés disjoints, gravier, evergreen, stabilisé… et surtout pleine terre !), il est temps de se poser systématiquement les questions suivantes : est-il vraiment nécessaire d’artificialiser ce terrain ? À quels endroits ? Dans quelle mesure ? L’objectif étant de faire du sol naturel la situation par défaut.
De façon plus générale, la végétalisation de l’espace public ou des bâtiments ne doit plus être une option facultative, mais un réflexe automatique dès lors que cela est possible. Plus les écosystèmes sont nombreux et variés, plus ils peuvent interagir, se compléter et se renforcer mutuellement. Cette démarche doit s’accompagner d’un effort de communication approfondie envers le public, afin d’éduquer sur les bienfaits des écosystèmes urbains et de désamorcer les angoisses liées à ce partage de l’espace (espèces « nuisibles », « saleté », allergies, etc.).
Bilan de la rencontre
Une idée phare ressort des discussions : quel que soit le milieu dont on parle (urbain, forestier, agricole), il n’y a pas de solution unique miracle, mais bien un panel d’actions complémentaires à mener de front. Comme pour les écosystèmes, les maîtres mots de la résilience urbaine sont l’hétérogénéité, la redondance fonctionnelle et la capacité d’adaptation. Et la Nature, sous des formes très diverses, fait nécessairement partie de ce cocktail.
Un colloque sous le signe de l’optimisme, en somme. Il n’est pas question de s’apitoyer sur notre sort ; des solutions concrètes existent, de nombreuses autres attendent certainement qu’on les invente, il ne reste « plus qu’à » s’en saisir à bras le corps.
Robin CHALOT