Notre invité: Fredéric TALLOIS, chef de projet du SCOT de l’agglomération tourangelle
Dans le cadre de notre mission auprès du Syndicat Mixte d’Amboise – Bléré – Château-Renault (37) dit « ABC » pour la révision de son Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT), nous avons rencontré Frédéric Tallois, en charge du SCoT voisin de l’Agglomération Tourangelle (approuvé en 2013) pour évoquer une nouvelle notion, abordée dans un atelier de travail du SCoT « ABC » : la ré
silience des territoires.
CBr: Comment peut-on définir simplement la résilience d’un territoire ?
Il s’agit de sa capacité à absorber une perturbation majeure liée à un risque (principaleme
nt le risque d’inondation dans notre cas) et à se réorganiser rapidement pour retrouver un fonctionnement normal.
RC: Comment les élus ont-ils réagi au changement de logique face aux risques : passer de l’objectif (illusoire) de les maîtriser, à celui de se préparer à les affronter ?
Le phénomène d’inondation fait partie de l’histoire et de la réalité de notre agglomération : un tiers des habitants vit en zones inondables ; pour les emplois, la proportion est encore plus importante. Les élus ne mettent en cause ni le risque ni ses conséquences. De plus, la révision du PPRi a été accompagnée d’un nouveau discours de l’Etat : le risque ne génère plus forcément une interdiction globale d’aménager mais ouvre la possibilité de faire autrement, en intégrant la gestion du risque dans le projet. Les élus l’ont bien compris.
CBr: Il a donc été possible de traiter de l’aménagement d’un territoire soumis au risque de façon positive et non plus seulement défensive, en réclamant des infrastructures de protection ?
Oui, d’autant que des études récentes démontrent que les ouvrages de protection sont affaiblis et ne relèvent plus d’une gestion durable des risques, car très coûteux à entretenir. Il faut donc adapter le territoire à gérer au mieux des inondations que rien ne pourra empêcher. Les seules incertitudes portent sur le moment où elles surviendront, les volumes à gérer et les lieux de rupture des digues.
Le cas d’une ZAC de plus de 1 000 logements à réaliser en zone inondable a aussi fait la démonstration que la notion de résilience pouvait faciliter des projets de construction en les adaptant là où en d’autres temps, on aurait été contraint de les reporter ailleurs.
Cette approche a été d’autant plus importante que le SCoT fixe l’objectif 2030 de 10% d’habitants et 36 000 logements supplémentaires dont 2/3 en renouvellement urbain, proches des transports collectifs performants (majoritairement en vallée) et limitant la consommation foncière. Nous avons travaillé sur des concepts nouveaux, comme la modulation de l’intensité urbaine en zones inondables.
Dans cette nouvelle gestion du risque d’inondation, il y a aussi le rôle déterminant des plans communaux de sauvegarde pour gérer la crise (évacuations, hébergement d’urgence) et des diagnostics de vulnérabilité des entreprises pour « limiter les dégâts » sur leur fonctionnement, voire leur pérennité.
RC: Les élus et les territoires sont donc mieux préparés ?
Un décalage subsiste dans l’appréciation globale de la gestion du risque entre les communes situées en zone inondable, qui se préparent, et les celles situées en dehors. Des efforts restent à accomplir pour sensibiliser ces dernières sur les impacts qu’elles subiront malgré tout, comme les difficultés de circulation engendrées par les inondations.
Dans la déclinaison locale du Plan de Gestion des Risques d’Inondation (PGRI), le projet de PPRi (1)pourra être amené à évoquer la nécessité d’évacuer les équipements sensibles (stations d’épuration, par exemple). Il semble évident que pour une résilience accrue, les territoires doivent encore évoluer.
CBr: Le retour à la situation « d’avant crise » est implicite dans la notion de résilience. Mais est-il compliqué d’imaginer un fonctionnement « d’après-crise » meilleur ?
La résilience vise le retour à la normale : l’habitant et l’entreprise doivent pouvoir revenir sur leur lieu de vie le plus rapidement possible. Le territoire dans son ensemble doit pouvoir fonctionner normalement au plus vite. Mais les aménagements futurs intègreront forcément mieux qu’avant les contraintes croissantes.
Une gestion plus ambitieuse pourrait par exemple affirmer des besoins de délocalisation ; mais on n’est pas encore prêt à ça, pour différentes raisons, comme l’appréciation du coût global. Il est compliqué à évaluer et donc difficile à partager avec les élus, les habitants et les autres acteurs du territoire. S’il est facile d’évaluer le surcoût d’aménagement d’une ZAC en zone inondable, il est plus difficile de démontrer qu’il est inférieur au coût d’une urbanisation hors zone inondable, éloignée du cœur de l’agglomération, de ses aménités et des transports en commun performants. Sans même évoquer la réduction de la consommation foncière inscrite dans la loi, il est globalement plus économe d’investir près des fonctions urbaines en place que de créer des quartiers hors la ville.
CBr: Ne rejoint-on pas un autre fondement de la résilience, à savoir une gestion globale des territoires ?
Tout à fait, et c’est en cela que le SCoT, au-delà du document d’urbanisme, est une démarche pertinente pour l’aborder avec les élus : la résilience des territoires a besoin d’intercommunalités plus fortes et soudées, où solidarité et mutualisation peuvent se traduire en actions. Notre territoire, par sa géographie et son histoire, est plus engagé que d’autres dans ce sens. Le SCoT de l’agglomération tourangelle en fait la démonstration. Nul ne doute que le SCoT ABC saura aussi y travailler.
Propos recueillis par Catherine Brown et Robin Chalot