Indissociable du petit personnage jaune qu’il a créé en 1992, le « gouzou » (http://www.gouzou.net/), Jace expose depuis 1996 à la Réunion et aux quatre coins du monde. Il a également publié plusieurs ouvrages où l’on retrouve sous forme de photographies le travail exécuté sur le terrain. Régulièrement sollicité par les collectivités locales pour donner à l’espace public de nouvelles couleurs, il nous livre ses impressions sur cette expression graphique qu’est le street-art.

La commande publique vous demande de plus en plus d’intervenir sur son patrimoine bâti. Comment cela se passe-t-il ? Est-ce un phénomène grandissant et depuis quand existe-t-il ?

Dans le courant des années 1990, j’ai eu l’occasion de travailler avec deux ou trois mairies pour des projets divers. Mais c’est à partir de 2007 que la commande publique s’est développée. J’ai d’abord réalisé le mur de la pelote basque à Saint-Leu. Ensuite j’ai peint « illégalement » le contrefort de la route des Tamarins qui m’a attiré les foudres de la région… Puis après explications, cela s’est finalement arrangé. A partir de là, j’ai eu l’occasion de collaborer avec d’autres municipalités et d’autres collectivités, des bailleurs sociaux… pour des projets d’envergure, par exemple la réhabilitation du quartier du Bas de la Rivière à Saint-Denis, le pylône de Saint-Louis, des façades d’immeubles à la Réunion, à Paris et au Havre, le prestigieux Pont des Arts à Paris, la route du Littoral…

Avez-vous des directives sur l’œuvre à produire ou au contraire vous laisse-t-on une marge de manœuvre totale ? Auquel cas, comment choisissez-vous votre sujet ?

Cela dépend du commanditaire, certains n’ont pas d’idée ou me laissent carte blanche et d’autres me soumettent des pistes de travail, c’est au coup par coup… Bizarrement, la carte blanche n’est pas l’exercice le plus aisé.

Comment les habitants accueillent-ils ces œuvres ?

Il est rare que j’ai des retours directs lors de la réalisation car je suis le plus souvent perché sur ma nacelle, mais globalement les gens sont assez curieux voire sceptiques au début et finissent par être conquis dès l’œuvre terminée.

Vous intervenez essentiellement dans le cadre de réhabilitation urbaine ou architecturale, mais vous sollicite-t-on pour des opérations nouvelles de constructions ?

Ça m’est arrivé, par exemple au centre-ville du Tampon en 2007 ou pour l’immeuble Saintex au Chaudron. Je viens de terminer un chantier monumental à Marseille : j’ai été contacté pour peindre plus de 4 000 m² en plein centre-ville, le long d’une route qui sera inaugurée en juillet… Mais il m’arrive aussi d’être contacté pour « maquiller un peu la misère » ou pour réaliser une œuvre qui n’aura qu’une espérance de vie limitée. Les bailleurs ont encore du mal à intégrer cela dans leur devis initial de travaux (pourtant cela ne représente qu’une infime partie du budget global !!). Mais les mentalités évoluent et maintenant, le Ministère de la Culture offre même des subventions pour faire intervenir des street-artistes sur des façades d’immeuble.

Selon vous qu’apporte le street-art à l’espace public ? Devrait-il être davantage développé ?

On vient de réaliser, le mois dernier, un gros projet au sein d’une cité portoise où huit façades d’immeubles ont été repeintes. Ça a reçu un écho favorable de tous les côtés, aussi bien la SHLMR que les habitants qui sentaient déjà qu’on s’occupait de leur quartier, qu’on y apportait de la vie, de la couleur et surtout une identité propre à chaque bâtiment, qui n’est plus une simple boîte impersonnelle ! Qu’apportent l’art et la culture dans le quotidien des gens ?? On pourrait développer le sujet pendant des heures !!! Après, il ne faut pas qu’il y ait une saturation de l’espace public avec tout et n’importe quoi, sous prétexte qu’il faille mettre de la couleur dans la ville. On peut vite se retrouver avec des choses horribles et cela aurait un effet contre-productif !

Pour conclure, quel est l’espace public (ou la construction) sur lequel vous rêveriez d’intervenir et pourquoi ?

Je ne rêve plus forcément de bâtiments prestigieux ou autres édifices grandioses. Une petite peinture bien placée au fin fond d’un terrain vague peut avoir autant de puissance qu’un pignon d’immeuble…

 

Propos recueillis par Gilles Durand