La santé ne se réduit pas à des facteurs biologiques et médicaux. Elle est aussi déterminée par des facteurs sociaux, économiques et environnementaux. L’urbanisme constitue un facteur essentiel de la santé de la population. Les acteurs urbains doivent donc intégrer la santé comme une composante à part entière des projets.


Planification urbaine et santé publique depuis la révolution industrielle

L’urbanisation et l’industrialisation des villes européennes au cours du XIXème siècle ont eu des impacts négatifs sur la santé des habitants, avec l’apparition de plusieurs épidémies. Les pouvoirs publics sont intervenus sur les infrastructures pour améliorer les conditions de santé : eau courante, égouts, logement. Plus tard, la délocalisation des activités industrielles a permis de limiter les impacts de ces activités sur la santé des habitants.

Toutefois, peu à peu, l’urbanisme et la santé ont été déconnectés : séparation des fonctions urbaines, étalement urbain, construction d’autoroutes, absence d’espaces publics… L’environnement urbain moderne agit sur la santé à travers un facteur puissant mais inattendu, le manque d’activité physique.

Quel lien L48_pc5entre urbanisme, activité physique et santé ?

Aujourd’hui, 58% des Français n’atteignent pas le niveau d’activité physique recommandé par le Ministère de la Santé. Or le lien entre activité physique et santé est largement prouvé : réduction du risque d’obésité, de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, et même de certains cancers.

Des travaux récents montrent par ailleurs que le lien entre urbanisme et activité physique est étroit lui aussi. Quelles caractéristiques des quartiers encouragent l’activité physique et favorisent la santé ? Une étude menée dans 11 pays en a identifié plusieurs : présence de commerces, de trottoirs et d’aménagements cyclables, accès aux transports collectifs.

L’étude RECORD de l’IPLESP[1] a suivi 7 300 franciliens, afin d’identifier les facteurs de leur environnement physique associés à des risques sanitaires. Un des volets de l’étude apporte un enseignement particulièrement intéressant : la densité de services, non seulement autour du domicile mais également autour du lieu de travail, constitue le principal facteur associé à la pratique de la marche.


Comment intégrer la santé dans les projets d’urbanisme ?

Les documents d’urbanisme et certains projets urbains sont soumis à une évaluation environnementale. La santé y est appréhendée sous l’angle du milieu naturel (air, eau, bruit, sol) et non de manière globale. De plus, l’avis de l’autorité environnementale intervient seulement en phase finale des projets. Une nouvelle démarche, complémentaire de l’évaluation environnementale, fait cependant son apparition : l’étude d’impact sur la santé (EIS). Intervenant le plus en amont possible, elle vise à anticiper les conséquences sur la santé et à recommander des mesures pour les maîtriser.

En 2014, Plaine Commune a réalisé une EIS pour trois projets de transports collectifs, coordonnée par l’ARS et l’ORS[2], première démarche de ce type en Ile-de-France. Elle a démontré des effets positifs de ces projets sur l’activité physique, par l’utilisation des transports collectifs et l’aménagement de l’espace public. Des recommandations ont été formulées, afin de renforcer ces effets.

Des plans spécifiques sur la ville et la santé se développent également dans plusieurs villes : « Healthy City » à Vancouver, « Improving the Health » à Londres, « Plan Santé Environnement » à Paris. Leurs objectifs principaux sont d’identifier les inégalités sanitaires, de renforcer la collaboration entre les acteurs et d’intégrer la santé dans les projets d’aménagement.


L48_pc4L’impact des politiques de mobilité sur la santé : l’exemple de Barcelone

Barcelone a mis en place une politique favorisant les piétons et les vélos, conduisant à une forte hausse de la pratique de ces modes. Des chercheurs du CREAL[3] et de l’ASPB[4] ont évalué les impacts de ces mesures sur la santé.

Une première étude a démontré que l’usage de Bicing, le vélo en libre-service, permet d’éviter 12,46 décès par an tandis qu’il en génère 0,16 (accidents, pollution) : les bénéfices dépassent donc largement les risques. Une deuxième étude a démontré que l’évolution des pratiques de mobilité a permis d’éviter 94 décès en 5 ans, soit un bénéfice économique considérable.

Une connexion prouvée, mais des actions à explorer

Une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires dans les projets urbains nécessite une collaboration renforcée entre les acteurs de santé et les acteurs urbains. La formation des urbanistes à ces enjeux est également essentielle. Par ailleurs, il faudrait expérimenter et évaluer les interventions urbaines, afin d’identifier les actions les plus bénéfiques pour la santé publique. Nous sommes, en définitive, des acteurs majeurs de santé publique.

Pablo Carreras

Je remercie David Rojas-Rueda (CREAL, Barcelone), Katerine Pérez (ASPB, Barcelone), Nicolas Notin (ARS, Ile-de-France), Basile Chaix (INSERM, Paris) et Yves Buisson (Institut Renaudot) pour leur contribution dans le cadre de la préparation de cet article et pour leurs recherches sur l’urbanisme et la santé.

 

[1] Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique

[2] Agence régionale de santé Ile-de-France, Observatoire régional de santé Ile-de-France

[3] Centre de Recerca en Epidemiologia Ambiental

[4] Agència de Salut Pública de Barcelona