Le Corbusier est exposé au centre Pompidou (1) : l’architecte et le plasticien y sont largement décrits, l’urbaniste peu évoqué et c’est tant mieux.

 

Le parcours de Corbu architecte apparaît comme une recherche à plusieurs facettes : le « jeu savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière » pour ce qui est de l’esthétique, sa vie durant ; les rythmes, puis les proportions pour ce qui est de la composition. Dans sa recherche, il y a aussi l’audace des procédés de construction (Cf. les cités radieuses) et des formes (Cf. la chapelle Notre-Dame. du Haut à Ronchamp et le pavillon Philips à l’exposition universelle de Bruxelles). Il ne fut pas le seul à rechercher dans ces voies. Il y eut aussi Auguste Perret ou Mallet-Stevens en France et le Bauhaus en Allemagne, étrangement absents dans cette exposition. Corbu architecte aura aussi marqué son époque, que ce soit pour l’imiter, s’en inspirer ou y réagir. Corbu plasticien accompagne l’architecte dans ses recherches : peinture ou sculpture, on y voit l’intérêt pour le cubisme d’un Picasso ou d’un Lipchitz.

 

 

Les évocations de Corbu urbaniste sont peu nombreuses dans cette exposition. Quelques documents y montrent l’architecte qui extrapole à la ville entière l’échelle de ses recherches, qui était celle de ses édifices. On y qualifie l’unité d’habitation de Marseille de « ville verticale », comme si 337 appartements constituaient une ville. Corbu semble vouloir transposer la relation « promoteur-architecte-constructeur-réalisation d’une œuvre » à toute une ville ; il l’a d’ailleurs essayé à Chandigarh en Inde. Or l’échelle temporelle, spatiale et surtout la multiplicité des acteurs et des problématiques de l’urbanisation sont tout autres. Vouloir remplacer le centre de Paris par une série d’immeubles uniformes de grande hauteur, vouloir imposer sur les collines d’Alger un unique immeuble serpent de plusieurs kilomètres de longueur me paraissent témoigner non seulement d’un mépris pour le passé mais aussi, et surtout, d’une méconnaissance de ce qu’est la ville. Sauf à souhaiter qu’elle soit à ses habitants ce qu’est la ruche à ses abeilles ; ou plutôt l’inverse : que les habitants soient à la ville ce que les abeilles sont à une ruche conçue et construite par un architecte. L’urbanisme en tant que théorie ne résiste pas au monolithisme ; l’urbanisation, en tant que processus, englobe un grand nombre d’acteurs parmi lesquels les architectes qui y ont certes une belle place, mais aussi bien d’autres… notamment les multiples et divers habitants.

Bernard Schaefer