LES COMMUNES VIVRONT-ELLES ÉTERNELLEMENT ? L’EXEMPLE DES COMMUNES MORTES POUR LA FRANCE
Le centenaire de la Grande Guerre est l’occasion d’évoquer une spécificité administrative, découverte dans le cadre de l’élaboration du Plan Départemental de l’Habitat de la Meuse : l’existence, en France, de communes qui ne comptent aucun habitant. Une situation pour le moins paradoxale dans le contexte actuel de réforme et de simplification de l’organisation territoriale !
Petite histoire des communes mortes pour la France
Lors de la bataille de Verdun en 1916, neuf villages alentour ont été totalement détruits. Après la guerre, ils sont inclus dans la « zone rouge », périmètre comprenant, à l’échelle nationale, environ 120 000 hectares de champs de bataille impropres au retour de la population. La reconstruction est impossible en raison de la pollution des sols et de la présence de munitions non explosées. Les propriétaires sont alors expropriés et les terrains confiés principalement à l’ONF (1). Les neuf villages sont déclarés « morts pour la France » et la loi du 18 octobre 1919 a précisé leur mode d’administration, les dotant d’une commission municipale composée d’un Président et de deux adjoints, désignés par le Préfet de la Meuse. Le Président de la commission a le statut de Maire et les mêmes prérogatives qu’un édile d’une commune habitée, à la seule différence qu’il n’est pas grand électeur et ne peut donc pas voter aux sénatoriales. Il perçoit une indemnité mensuelle de fonction, de l’ordre de 650 € brut environ pour les communes de moins de 500 habitants. De plus, un budget municipal de quelques milliers d’euros, abondé par les taxes foncières et la dotation de l’Etat, permet d’assurer l’entretien des lieux.
Aujourd’hui, les neuf municipalités sont membres de la Communauté de communes de Charny-sur-Meuse. Trois d’entre elles ont pu regagner quelques habitants dans des zones sécurisées mais six (2) restent inhabitées et continuent d’exister au niveau administratif depuis maintenant un siècle. A chaque renouvellement de mandat, il y a toujours un passionné ou un descendant d’une famille locale pour assurer la fonction de maire et de gardien de la mémoire du village fantôme.
De l’âme des communes
Alors que le débat sur la fin des trente-six mille communes revient sur le devant de la scène en ces temps de recherche d’économie, cette exception que constituent les villages morts pour la France souligne l’extrême sensibilité du sujet et l’attachement à cette entité qu’est la commune. Celle-ci serait dotée d’une âme, ce qui peut, effectivement compliquer sa suppression administrative… d’autant plus si elle est habitée.
Et en effet, communes nouvelles, associées, bien des formules sont imaginées pour en réduire le nombre mais à l’exception de quelques fusions, rares sont celles ayant totalement disparu. Humanisée, personnifiée, la commune doit vivre, ne serait-ce que par son souvenir. Mais celui-ci peut-il encore prendre la forme d’une conservation au plan administratif, toujours génératrice de coûts ? Se délester de l’identité administrative de certaines communes sera assurément une révolution, pourtant bien nécessaire.
Claire PHILIPPE