L’OPAC de Saône-et-Loire nous a confié une mission d’un genre nouveau, malgré les apparences : une étude des besoins en logements à l’échelle départementale, dans l’objectif de préconiser des actions tant patrimoniales que commerciales, pour adapter son offre à la demande potentielle. En effet, l’OPAC de Saône-et-Loire est confronté notamment à une vacance croissante dans son parc, dans un contexte départemental de faible dynamique démographique et de vieillissement marqué. Eric Philippart, Directeur Général de l’OPAC de Saône-et-Loire, revient sur les défis que doivent relever les bailleurs sociaux et leurs partenaires et les actions envisagées ou testées par l’OPAC.

CODRA: Le marché du logement apparait détendu en Saône-et-Loire. Quels sont les impacts sur votre activité ?

La France est riche de ses différences. Mais sur la question des besoins en logements et en particulier en logement social, le discours du logement est, d’une manière générale, associé à celui de la construction notamment là où il y a une tension du marché (Ile-de-France, agglomération lyonnaise, PACA). Pour autant, au moment où la territorialisation des politiques de l’Habitat apparait comme une évidence, il faut reconnaitre les spécificités de nos régions et accepter leur singularité comme celle par exemple de la décroissance et du manque d’attractivité économique.

Dans les territoires touchés durablement ou non par une vacance structurelle et par une baisse des recettes locatives, force est de constater qu’il n’existe pas de référentiel susceptible d’apporter les réponses aux questions de management, de gouvernance, de stratégie et de modèle économique de l’entreprise. Lorsque vous subissez une inflexion des rentrées de loyers et que, dans le même temps, vous souhaitez développer de la proximité, l’approche et les outils ne peuvent plus être les mêmes que dans les territoires tendus. Il faut donc s’attacher à diversifier très fortement l’activité, à investir dans l’innovation et à développer une culture commerciale très poussée pour fidéliser et conquérir de nouveaux clients. De fait, le cadre de référence habituel du bailleur social est amené à se transformer en profondeur tout en conservant sa vocation sociale.

Le profil de nos clients, de nos locataires est lui aussi marqué par les conséquences d’une faible mobilité résidentielle et d’un manque d’attractivité des territoires. Dans ce contexte, les flux migratoires ont tendance à se réduire avec pour conséquence un risque de sédentarisation et d’un vieillissement marqué de la population.

Actuellement, nous conjuguons donc une transformation du modèle économique de l’entreprise et une évolution importante du public accueilli, tout en s’inscrivant dans un modèle qui n’est plus adapté à notre situation.

Pour nous aujourd’hui, il est donc indispensable de travailler en capillarité avec les acteurs locaux (Conseil Général, Etat local…) et de fabriquer des marges de manœuvre avec eux. Si, à l’échelon local, la problématique est partagée par nos partenaires, d’autres acteurs (Etablissements bancaires, Caisse des Dépôts et Consignations, MIILOS (1) ….), plus éloignés des réalités spécifiques à chaque territoire, fonctionnent encore sur des modèles inadaptés.

Mais tout cela renvoie à un débat plus large, celui de l’emboitement de nos politiques publiques nationales avec les logiques de territoires et leurs adaptations nécessaires à l’échelle locale. Par exemple, les crédits fléchés pour la construction de logements sociaux pourraient être fongibles et affectés aux démolitions, afin de rétablir l’adéquation entre l’offre et la demande. Nos seuls fonds propres ne nous le permettent pas.

 

CODRA:Pourtant, la décroissance est une réalité, un peu partout en France, à laquelle sont confrontés de nombreux bailleurs. Pensez-vous qu’une voie/x peut émerger et se faire entendre ?
Plus de 50% des territoires européens sont aujourd’hui en décroissance. Aborder ce sujet avec le politique est complexe et peut renvoyer à un sentiment d’échec de la part des acteurs locaux. D’autres voies sont possibles et certains territoires ont la volonté de sortir de cette situation et l’affrontent. Avec plusieurs associations régionales de bailleurs sociaux, nous pourrions écrire un livre blanc de la décroissance, pour nourrir le débat et proposer aux élus et partenaires des pistes d’actions.

CODRA: Quelles sont, dans ce contexte, les stratégies nouvelles que vous développez à l’OPAC ?

Les évolutions que nous subissons nous conduisent à accélérer le mouvement de transformation que notre entreprise a initié depuis quelques années. Du modèle historique de bâtisseur, nous sommes devenus aujourd’hui une entreprise de services (services social et commercial, insertion par l’activité économique, maintien à domicile, gestionnaire de foyer logement ou de résidence d’accueil d’adultes handicapés).

Nous avons adopté depuis plusieurs années déjà, une démarche offensive d’une entreprise, avec des personnes en interne chargées de développer cette action. De fait, notre approche des besoins a fortement évolué : le logement n’est plus le centre de notre réflexion, le point de convergence de nos actions. C’est désormais le client, plus encore que le locataire, que nous plaçons au cœur de notre démarche.

L’action commerciale de l’OPAC Saône-et-Loire se décline en deux volets. D’abord la relation client et la recherche de prospects. Nous avons par exemple acheté des fichiers clients du secteur locatif privé de manière à démarcher des clients potentiels. Le deuxième axe correspond au suivi personnalisé des locataires, nous permettant d’être en prise directe avec les besoins et les désirs de nos clients, voire d’aller au-devant de ceux-ci. Nous avons ainsi réformé notre système d’attribution de logement en anticipant la création des commissions d’attribution numérique (Attriweb), afin d’attribuer un logement en 72h et d’être très réactif auprès de nos prospects. Nous avons, également mis en place une « carte avantage », visant à privilégier nos locataires auprès de partenaires commerciaux (assurances, restauration, service à la personne…).

Pour compenser la baisse d’activité liée à l’accroissement de la vacance dans le patrimoine, il est important d’investir de nouveaux champs d’actions, permettant de toucher une clientèle la plus large possible. Nous développons par exemple une branche de notre activité dédiée aux personnes âgées : rachat de foyers-logements, construction nouvelle.

Enfin, le Conseil d’administration de l’OPAC a retenu le principe de développement sur des territoires plus tendus et où la demande est forte, notamment sur l’agglomération de Lyon vers laquelle la Saône-et-Loire est naturellement attirée. Notre stratégie consiste à accompagner ces mouvements de population tout en générant des rentabilités économiques nécessaires au financement des projets de développement en Saône-et-Loire.

Propos recueillis par Cécile Bouclet et Claire Philippe
(1) Mission Interministérielle d’Inspection du Logement Social