Changement climatique: et si les villes étaient plus ambitieuses que les Etats ?
Début décembre 2015, le monde entier se donnait rendez-vous à Paris pour la COP21. Nous avons profité de cette occasion pour nous rendre à plusieurs rencontres internationales, dans lesquelles les collectivités locales présentaient leurs solutions concrètes pour réduire les émissions de CO2. Nous avons retenu un message fort : les villes auront un rôle primordial dans la lutte contre le changement climatique.
Que dit l’Accord de Paris ?
Le 12 décembre, 195 pays ont adopté l’Accord de Paris, fixant une limite pour la hausse de la température mondiale, « bien en-dessous » de 2°C.
Véritable feuille de route pour la lutte contre le changement climatique, cet accord représente un succès majeur, d’autant plus qu’il fait suite à l’échec de la COP15 à Copenhague en 2009 et au suspense installé depuis la fin du protocole de Kyoto en 2013. Cependant, ses objectifs et les mécanismes de sa mise en œuvre demeurent flous. De plus, n’étant pas juridiquement contraignant, il constitue avant tout un engagement politique.
Il entrera en vigueur en 2020. Pourtant, l’enjeu, crucial pour la planète et pour l’humanité, nécessite d’intervenir au plus vite. Les villes du monde entier l’ont compris, elles ont déjà commencé à agir.
Changement climatique : un enjeu local ?
La proportion de l’humanité vivant en ville devrait passer de 50% aujourd’hui à 75% en 2050, soit 3 milliards de personnes en plus. Les villes génèrent 70% des émissions de CO2 mais sont aussi les premières à en subir les conséquences, parfois catastrophiques.
Leur forme définit les besoins en logement et en mobilité, qui, à leur tour, sont des déterminants majeurs de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES). Une étude récente d’ARUP[1] montre que les actions menées par les villes conduisent à une réduction annuelle de 200 Mt de CO2.
Quels outils de planification locale ?
La loi Grenelle II[2] a instauré le Plan Climat Energie Territoire (PCET), obligatoire pour les communes de plus de 50 000 habitants. Le PCET poursuit deux objectifs : l’atténuation du changement climatique (baisse des émissions) et l’adaptation à ce phénomène (réduction de la vulnérabilité). Il doit répondre aux engagements nationaux, à savoir réduire les émissions de GES, améliorer l’efficacité énergétique et accroître l’usage des énergies renouvelables. Il a vocation à précéder les documents d’urbanisme, pour garantir un développement économe en carbone. 279 villes ou intercommunalités en sont déjà dotées.
Comment les villes réduisent leurs émissions ?
Les actions d’atténuation du changement climatique visent principalement le logement et la mobilité. Les mesures sur le logement concernent le prix de l’énergie, l’efficacité énergétique des bâtiments et la réglementation thermique. Les actions sur la mobilité portent sur les prix des transports (subventions aux transports collectifs, tarification du stationnement, péage urbain…) et la création d’infrastructures.
Mais plus qu’une approche morcelée, un développement sobre en carbone nécessite une approche intégrée de la planification urbaine, associant logement, mobilité et aménagement. Il s’agit de construire une ville plus dense, compacte et mixte, où les logements consomment moins d’énergie et où les déplacements sont plus courts, donc réalisés plus facilement à pied ou à vélo.
Pourquoi l’union entre les villes fait la force de leurs actions ?
L’urgence de l’enjeu climatique ne donne pas le droit à l’erreur. Les villes ont grand intérêt à s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs. C’est pourquoi, il y une dizaine d’années, les principales Métropoles mondiales ont décidé de créer le C40[3], structure d’échange d’information et de soutien technique.
Depuis 2014, 428 villes, dont Paris, Bordeaux et Le Havre, ont signé le Compact of Mayors[4], contrat de réduction des émissions de CO2 mis en place par le C40 et d’autres réseaux de villes, avec le soutien de l’ONU.
Le 4 décembre 2015, dans le cadre de la COP21, 700 villes du monde entier se sont réunies à l’Hôtel de Ville de Paris, pour partager leurs bonnes pratiques et surtout, pour donner une visibilité internationale à leurs actions.
Les villes, moteurs des actions nationales et internationales
Pistes cyclables à Portland, BHNS[5] à Rio de Janeiro, péage urbain à Londres, éco-quartiers à Stockholm, utilisation de l’eau de la Seine à Paris, réseau de chaleur innovant à Nantes, rénovation des logements à Lyon… Les villes agissent contre le changement climatique et obtiennent des résultats concrets. Les engagements pris à ce jour éviteront l’émission de 450 Mt de CO2 d’ici 2020 et même de 3 000 Mt d’ici 2030, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’Inde !
Ces démarches locales ambitieuses et en grande partie volontaires pousseront les Etats à agir. Elles constituent la meilleure garantie d’une mise en œuvre concrète de l’esprit de la COP21, bien avant 2020.
Pablo Carreras
[1] Climate Action in Megacities, ARUP, 2015
[2] Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010
[3] www.c40.org
[4] www.compactofmayors.org
[5] Bus à Haut Niveau de Service