La « grenellisation » des PLU limitée par… l’Etat !
Depuis les lois Grenelle et d’autres qui ont suivi, nous intégrons dans notre travail avec les collectivités, l’objectif de produire des logements mieux qu’avant, notamment en réduisant leurs impacts sur l’environnement et plus particulièrement leur consommation d’énergie, ce qui est bénéfique aussi bien pour la « facture » nationale que pour celle des ménages.
Sur ce thème, si certains de nos maîtres d’ouvrage ne souhaitent pas aller au-delà des normes du code de la construction et de l’habitat, d’autres veulent inscrire dans le règlement du PLU des exigences renforcées pour la production de logement, comme le permet le code de l’urbanisme depuis 2010. Le règlement peut en effet imposer aux constructions de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées, voire une production minimale d’énergie renouvelable[1].
Dans les faits, il semble bien que des collectivités ambitieuses en la matière soient freinées dans leurs ardeurs par l’Etat. Nous en avons eu la démonstration à travers plusieurs PLU[2] en Ile-de-France ou dans d’autres secteurs où le marché du logement est tendu : les services de l’Etat ont tendance à reprocher aux collectivités des règles jugées trop exigeantes, car surenchérissant les coûts de construction.
A titre d’exemple, dans son avis de mai 2015 sur le PLU de Nanterre, la DRIEA[3] remarque que : « L’article 15 fixe les obligations imposées en matière de performances énergétiques et environnementales plus exigeantes que la réglementation thermique en vigueur. […] la territorialisation de ces règles est susceptible de créer des inégalités entre propriétaires en imposant des contraintes entraînant d’importants surcoûts à certains constructeurs. Il conviendrait de supprimer ces règles ou de les transformer en préconisations annexées au règlement du PLU. » Elles n’auraient donc alors plus aucune valeur règlementaire !
Toujours à Nanterre, les services de l’Etat constatent que si l’inscription de règles à l’article 15 est conforme au Plan Climat Energie Territorial intercommunal, les objectifs de résultats d’un PCET ne sont pas opposables aux autorisations d’urbanisme[4]. Ils recommandent plutôt d’accorder des bonus de constructibilité en cas de performances renforcées. Cette suggestion soulève une réelle difficulté : les bonus de constructibilité peuvent aussi changer les formes urbaines, ce qui n’est pas nécessairement recherché par les collectivités.
En décembre 2015, l’Etat a nommé un médiateur régional pour la construction de logements, qui doit notamment s’assurer que les PLU franciliens et l’instruction des permis ne sont pas des freins à la production de logements. Un fascicule intitulé « Le Gouvernement simplifie les normes nationales : et nous ? »[5] édité par la DRIHL[6] pointe du doigt ces normes locales, accusées de réduire la production de logements et de la rendre plus chère : les exigences de performance énergétique et d’éco-conditionnalité sont au banc des accusés…
L’analyse fournie dans ce fascicule est orientée car elle laisse entendre que seules ces exigences expliquent l’accroissement du taux d’effort des ménages franciliens pour leur logement (18% des revenus en 1984 contre 26% vingt ans après). C’est oublier des freins très pénalisants : celui du coût du foncier, celui des habitants qui rejettent souvent une urbanisation renforcée près de chez eux en faisant pression sur leurs élus et leurs mandats, et celui des recours de plus en plus nombreux sur les permis, même avec un règlement clair. Et surtout, cela donne à penser que l’Etat a fait son choix : là où on a besoin de produire beaucoup, il n’est pas souhaitable d’être plus exigeant que la norme pour limiter les impacts sur l’environnement ou le budget des ménages. Or les surcoûts à l’investissement sont justement là pour réduire encore plus vite les dépenses énergétiques des habitants !
PLU, chartes environnementales, recommandations environnementales, agendas 21, PCAET, etc. auront-ils les moyens d’accompagner la densification des métropoles ou bien cela sera-t-il réservé aux seuls éco-quartiers ? Faisons en sorte de bousculer certaines pratiques, fausses idées et dogmes dépassés pour ne pas opposer quantité à court terme et qualité à long terme.
Catherine BROWN
[1] Article L151-21 du code de l’urbanisme. L’article L151-22 permet aussi d’imposer une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables, afin de contribuer au maintien de la biodiversité. L’article L151-23 permet quant à lui de délimiter les secteurs à protéger pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques […] quels que soient les équipements qui les desservent.
[2] PLU : plan local d’urbanisme
[3] DRIEA : direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement
[4] Article L 421-6 du code de l’urbanisme
[5] http://www.drihl.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/construction-de-logements-le-gouvernement-a3719.html
[6] DRIHL : Direction Régionale et Interdépartementale de l’Hébergement et du Logement