LA ZONA A TRAFFICO LIMITATO : UNE RECETTE ITALIENNE À TESTER
Nos voisins italiens utilisent depuis de nombreuses années une solution qui n’a pas d’existence juridique en France : la Zone à Trafic Limité, actuellement expérimentée à Nantes, et que nous désignerons ici par son doux acronyme de ZTL. Malgré l’introduction encore récente et méconnue de la zone de rencontre dans le Code de la Route, les réglementations françaises concernent davantage la vitesse et les aménagements de la voirie que les types de trafic à favoriser ou à dissuader.
Initialement conçue pour limiter la pollution automobile et mettre en valeur le patrimoine architectural, la ZTL interdit tout trafic motorisé, sauf exceptions. Ainsi, peuvent être autorisés selon les cas les transports collectifs, les livraisons, les riverains, les services de police, de santé, les pompiers, les personnes à mobilité réduite, les artisans, la clientèle des hôtels…
Ce dispositif n’est pas nécessairement permanent : il peut être limité à certains jours de la semaine et / ou à certaines heures de la journée.
A rebours des clichés sur l’Italie, l’incivisme des automobilistes et l’omniprésence de la voiture, les ZTL n’utilisent pas de systèmes de contrôle physique d’accès de type bornes abaissables mais comptent sur le civisme des usagers. Celui-ci est fortement encouragé, il est vrai, par le montant des amendes, qui contribue au bon fonctionnement de la ZTL dans de nombreuses villes italiennes : Rome, Turin, Bologne, Padoue, Modène, Pise, Milan, Ferrare…
La ZTL se situe donc quelque part entre l’aire piétonne (qui interdit toute circulation), la zone 30 et la zone de rencontre (où sont autorisés tous les véhicules, avec uniquement une limitation de vitesse, des aménagements spécifiques et un régime particulier de priorités entre les modes).
À Bologne (1), la ZTL s’applique quotidiennement au centre historique, très vivant, avec des restrictions particulières du samedi matin à 8h au dimanche soir à 22h, ainsi que les jours fériés. Les axes principaux irriguant le centre-ville, très circulés en semaine, sont alors partiellement dédiés aux piétons et à des terrasses de café, un espace étant maintenu pour la circulation des bus et autres véhicules autorisés. Cette réglementation n’est pas nécessairement associée à des aménagements, l’accent étant plutôt mis sur le caractère temporaire, réversible, voire événementiel de la ZTL.
À Ferrare (2), le fonctionnement est plus complexe : chaque type d’usager est autorisé à circuler dans la ZTL sur une plage horaire qui lui est spécifique. Un système électronique contrôle l’accès des véhicules ; ceux qui ne sont pas autorisés reçoivent une amende. Rappelons que Ferrare est l’une des championnes européennes du vélo, dont la part modale dépasse 20% depuis 25 ans ! Cet exemple illustre le fait que la ZTL doit s’inscrire dans une politique globale de la mobilité.
A Nantes, depuis octobre 2012, le double enjeu de réduction de la congestion du trafic et d’amélioration de son réseau de transport collectifs a conduit la métropole à restreindre l’accès aux axes irriguant les aires piétonnes du centre-ville aux bus, taxis, riverains, PMR, résidents, commerçants, livreurs… sur simple affichage d’un macaron sur le pare-brise. Objectif affiché : ne pas interdire la voiture, mais « limiter son utilisation à celles et ceux qui en ont la nécessité ». Cette expérimentation montre qu’une telle politique est techniquement, sinon légalement, adaptable à la France.
Après les municipales, certaines villes françaises sont revenues sur des dispositions favorisant une mobilité plus durable dans les centres villes (retour à la gratuité du stationnement, réouverture à la circulation automobile de rues piétonnes, suppression de liaisons cyclables…). Les exemples italiens et l’expérimentation nantaise montrent qu’une autre voie est possible hors du clivage entre « tout-voiture » et « tout-piéton », avec une grande variété de systèmes et surtout, une adaptation au contexte local. La clé de voûte est toujours le sens de la nuance et de la négociation, qui permet de favoriser l’acceptation et la réussite d’un tel projet, tout en n’en trahissant ni l’esprit ni la vision globale.
François Péron