L’EUROPE, NOUVEAU FINANCEUR DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS ?
Le 24 juin dernier, le parlement européen validait les mesures du plan de relance européen et notamment l’affectation de 400 millions d’euros d’investissement pour la rénovation énergétique de 40 000 logements privés en France. En comparaison des budgets 2015 du Fart (1) (126 millions) ou de l’Anah (2) (506 millions) l’effet levier est non négligeable. Dans un contexte de contraction des budgets publics, cette « nouvelle » source de financement est amenée à être sollicitée davantage. Quelles sont les évolutions à prévoir avec la montée en puissance des financements européens ?
Les aides européennes pour la rénovation énergétique
Les financements mobilisables pour la rénovation énergétique sont dispensés par différents fonds. Dans le cas des fonds structurels, il n’existe pas de financements dédiés. Cependant, le FEDER (3), au titre du soutien aux mesures favorisant « la mutation vers une économie à faible teneur en carbone dans tous les secteurs » finance les projets visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments, en priorité dans le secteur résidentiel et dans le tertiaire public. Déjà présent dans le précédant programme, cet objectif de transition énergétique a vu ses moyens renforcés pour la période 2014-2020. Ainsi, en France, 1,711 milliards d’euros sont réservés pour ces projets, soit 28% des fonds FEDER.
Ces dernières années, la Banque européenne d’Investissement (BEI) a également développé de nombreux dispositifs pour le financement de la rénovation énergétique. Le programme ELENA (European Local ENergy Assistance) est un dispositif d’ingénierie destiné à aider à préparer des projets favorisant l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables.
De même, le Fonds Européen pour la Promotion de l’Efficacité Energétique (4) (fournit des financements pour la valorisation commerciale de projets de nature à favoriser l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables entrepris par le secteur public.
Dernière mesure venue, le plan Juncker prévoit des prêts garantis par le fond européen d’investissement stratégique à des sociétés de tiers-financement. Le mécanisme de tiers-financement consiste à faire financer la rénovation énergétique d’un logement par une tierce. Celle-ci réalise l’investissement (études, réalisation des travaux, montage financier). Elle s’engage, par contrat avec les propriétaires, sur un objectif chiffré de réduction des consommations d’énergie du logement. Suite aux travaux, les propriétaires versent un loyer à cette société, jusqu’à remboursement de l’investissement. Les économies d’énergie profitent ensuite directement aux ménages.
Dans le cadre du plan Juncker, ces sociétés disposent de 400 millions supplémentaires pour faire du tiers-financement. Ce prêt peut financer jusqu’à 50-75% du coût de la rénovation énergétique.
Des financements complexes à l’origine de changements de pratiques ?
Subventions, prêts, études, investissement, Etat, UE, régions, les aides pour la rénovation thermique mobilisent des fonctionnements et des acteurs et à chaque fois différents. L’accès à ces financements suppose ainsi une montée en ingénierie de la part des collectivités et entreprises demandeuses.
Au-delà d’un renforcement des compétences pour y accéder, les conditions d’octroi de ces aides, particulièrement celle de la BEI (5) , imposent une évolution des pratiques organisationnelles. La BEI substitue une démarche d’investisseur à un accord de subventions. Plus encore que dans les programmes FEDER, la BEI recherche des projets d’«envergure » , des projets d’investissement « bancables ». Elle cherche à jouer un rôle levier pour attirer les investisseurs privés sur ces marchés.
En ce sens, la mesure du plan Juncker est emblématique. L’accord des prêts se fait uniquement sous forme de tiers-financement. De plus les 400 millions de prêt sont alloués par tranche de 50 millions uniquement, s’adressant donc à des sociétés capables de générer un volume d’opérations conséquent. A ce jour, en France, seule la SEM Energies Posit’IF (Ile-de-France) répond à ces conditions tandis que la SPL Oser (Rhône-Alpes) et l’Agence régionale pour les travaux d’économie d’énergie de Poitou-Charentes cherchent à augmenter le volume d’activité pour être éligibles. Ce prêt normatif vise aussi à faire évoluer le paysage des acteurs de la rénovation énergétique en France.
Manne providentielle en temps de disette budgétaire, l’accès aux financements européens reste complexe et instigateur de changements à anticiper. Une question d’actualité dans le domaine de la rénovation énergétique, comme ailleurs, où les acteurs se forment au fonctionnement des subventions européennes.
Marie MONDAIN