NOTRE BALADE URBAINE ANNUELLE
Bord de mer
Visiter la ZAC Paris Rive Gauche, c’est aussi s’attarder sur les bords de Seine. Les lieux de détente et de loisirs, comme la piscine Joséphine Baker ou les terrasses des cafés, sont largement tournés vers le fleuve, quand ils ne sont pas directement sur l’eau, à l’image du Batofar. Les aménagements, à connotation maritime, invitent à l’évasion, à la détente, voire à la contemplation, si on se laisse bercer par le clapotis et la brise, souvent présente ici et qui se transforme en vent persistant sur l’esplanade de la BnF.
Tout ici évoque le bord de mer : certains éléments du mobilier, comme les chaises longues et les bittes d’amarrage, mais aussi les matériaux choisis, tel le bois de l’esplanade de la BnF et de la passerelle Simone de Beauvoir rappelant celui des pontons. Celle-ci, par son architecture semblable à un jeu de vagues, participe pleinement de cette ambiance maritime.
Sophie Cuillandre
Chantier
Voici trois ans que nous visitons des opérations d’urbanisme majeures à Paris ou en proche banlieue, sans cesser d’être étonnés de l’ampleur des bouleversements liés à un renouvellement urbain hors normes. Grues, palissades, fouilles archéologiques, panneaux d’information participent du décor urbain que l’on voit éclore et finalement rapidement s’épanouir en morceau de ville. Certes, il faudra du temps à ces quartiers neufs pour se patiner, pour exister et être vécus. Mais cette ambiance éphémère a tout son charme aussi, où le citoyen, témoin ou acteur du changement, s’appropriera progressivement l’espace de vie imaginé pour construire un cadre de vie agréable, un futur urbain choisi.
Etre témoin de l’éclosion d’un nouveau quartier de la ville questionne et nous invite à suivre dans le temps notre histoire urbaine contemporaine
Cécile Bouclet
Chapelle
Si, comme en terre de mission, la chapelle Notre Dame de la Sagesse a fait partie des premiers bâtiments construits dans la ZAC Paris Rive Gauche, le parallèle s’arrête là.
A l’écart des avenues principales, elle passe presque inaperçue sous le couvert arboré d’un square. Un clocher modeste, une surface de 250m², une capacité d’accueil de 225 fidèles, les proportions sont loin de celles des cathédrales ou même des églises de village. L’architecture est sobre et moderne, ni flèches, ni portiques volumineux, en hommage à l’église Notre-Dame du Haut de Le Corbusier.
Une église nouvelle génération, en sorte : conforme aux règles d’aménagement de la ZAC, elle ne s’impose plus au plan d’ensemble mais s’y intègre. Elle fait partie des 90 églises construites en Ile-de-France depuis l’après-guerre, que l’on retrouve dans les grands ensembles et dans les ZAC d’aujourd’hui.
Marie Mondain
Dalle
Non, nous n’avons pas eu la berlue : nous étions dans un quartier sur dalle, et pourtant, c’étaient bien des rues qui s’offraient à nos regards. Des passants, des étudiants, quelques touristes, beaucoup de salariés. Des boutiques, un square, un cinéma, des brasseries, des bureaux. Une chapelle, une Bibliothèque Nationale et des studios d’enregistrement. Après vingt ans de travaux, le quartier commence enfin à « prendre » : souvent mal aimé des Parisiens, qui le décrivent comme froid et sans âme, il se charge peu à peu des histoires de ses habitants et des souvenirs de ceux qui y passent leurs journées ou une soirée. C’est au fond une « vraie ville » qui apparaît, qui assume sa modernité sans pastiche de l’ancien mais avec une trame de rues et de places. Et si l’urbanisme de dalle n’était pas condamné à échouer ?
François Péron
Haussmann
Sont-ils… de dignes héritiers ? de médiocres plagiaires? des émules inspirés ?
Haussmann avait donné de l’air, détruit des quartiers insalubres en en chassant la population pauvre, incité les promoteurs à innover, réglementé pour que les immeubles se ressemblent tout en étant tous différents.
Au début du XX° siècle, ses concepts ont été prolongés autour des boulevards des Maréchaux, avec un peu plus de hauteur et des logements à loyer modéré. Des ruptures par rapport à cet héritage ont marqué la seconde moitié du XX° siècle : des tours, des îlots bousculés, de la répétition, du contraste.
Les opérations que nous avons visitées sont-elles un prolongement actualisé des initiatives haussmanniennes ? Qu’en penserait l’illustre préfet ? Il apprécierait peut-être l’épannelage, les perspectives, la mixité des programmes. Il s’étonnerait
peut-être de la proportion d’habitat social et de l’architecture plus singularisée. Je retournerais volontiers le propos : qu’ont pensé d’Haussmann les Parisiens d’alors?
Bernard Schaefer
La chorale des oiseaux
La passerelle qui mène à la bibliothèque François Mitterrand invite le passant à quitter les bords de la Seine pour rejoindre le parvis apaisé de la grande bibliothèque. Au cœur de Paris, l’homme s’est inventé un écrin de science et de forêt. Cet éclat de verdure artificiel se situe dans une excavation profonde, couronnée par une canopée forestière haute et habitée. Ce morceau de forêt a été reconstitué à l’identique de la Forêt de Fontainebleau et des chants d’oiseaux retentissent au cœur de l’esplanade. Ils veillent sur les lecteurs de la BnF, tandis que des chercheurs, seules personnes autorisées à entrer quotidiennement au cœur du jardin, travaillent sur le vivant.
Mais le jardin expérimental et sanctuarisé a-t-il à voir avec la recréation d’un écosystème ouvert et naturel ? La nature dispose d’un génie biologique très au point, peut-on la délocaliser? Le pari de ce jardin-forêt apaisant propose en tout cas de la relocaliser.
Djalila Soualehi
Linge
Notre visite nous a permis de traverser des quartiers marqués par une architecture contemporaine sophistiquée et soignée. Dans une ambiance très minérale, nulle trace de l’occupation de l’homme, à l’exception de quelques graffitis en pied d’immeuble. Des balcons identiques, sans jardinière ou autre élément d’ornement. Des fenêtres opaques et closes, qui ne dévoilent aucune intimité des habitants qui vivent dans ces logements.
Bon sang, ces immeubles ne seraient-ils que des façades décoratives, uniquement destinées au regard contemplatif du passant ? Non, enfin une présence humaine ! Des draps suspendus aux rambardes, des vêtements qui sèchent au balcon. Ca y est, je suis rassuré. Ce quartier vit. Pour autant, l’étalage de ce linge sur l’espace public me procure un sentiment de gêne. Je ne veux pas être un voyeur. Finalement, rendez-moi ces belles façades régulières et symétriques !
Gilles Durand
Pionnier
En parcourant la ZAC Paris Rive Gauche depuis la gare d’Austerlitz, on a parfois l’impression d’être à Dubaï, où la ville s’agrandit continuellement, avec ici pour ligne d’horizon, le périphérique. Sur cette vaste friche économique, s’édifient bureaux, équipements, logements… Et de ce chantier, émergent des immeubles, des quartiers où de nouveaux ménages décident de s’installer, à l’image de cet immeuble tout juste livré et constituant, pour le moment, la fin du quartier. Ces habitants font en quelque sorte figure de pionniers et ce sont eux qui vont donner une existence, une ambiance à ces lieux.
Quelles sont leurs motivations ? Sont-ils attirés par cette virginité du quartier et l’envie de participer à la construction de son identité ? Ou sont-ils simplement satisfaits de trouver un logement à Paris, où la pénurie est grande ?
Claire Philippe
Tentes
Au début de notre parcours, nous avons été frappés par les alignements de tentes sous le pont Charles de Gaulle ou sous la Cité de la Mode et du Design. Les médias s’en sont faits l’écho ces derniers mois. Les tentes semblent particulièrement organisées, ce qui laisse imaginer un long séjour. Peut-être les occupants de ces logements de fortune se sont-ils regroupés par pays, langue ou religion ?
Quoi qu’il en soit, le contraste est saisissant entre cette grande précarité et les immeubles neufs ou en construction de l’avenue de France, où se côtoient sièges de banques, multinationales, université, restaurants branchés et immeubles de logements.
Raphaëlle Bergerot
Repos du guerrier
De la clôture conçue pour que je ne puisse m’y reposer, aux pigeonniers contraceptifs pour limiter ma prolifération, en passant par les répulsifs électriques qui nous sont parfois mortels ; sans parler des picots qui me perforent… Quel nombre impressionnant de pièges dois-je éviter pour m’installer ne serait-ce qu’un court instant dans cette très belle ville qu’est Paris !
Ma présence n’est pas toujours souhaitée, bien qu’elle ne soit pas non plus totalement rejetée par les habitants. Après tout, je suis un symbole de la capitale ! Reste que pour me nourrir, il me faut parfois être patient et surtout peu délicat. Et si vous décidez de m’aider dans ma quête de satiété, il vous en coûtera 35 € d’amende. Et me voilà sur une rambarde, tranquille, profitant du soleil et songeant au prochain quartier qui me verra arriver en quelques battements d’ailes…
Marianne Bouet
Rue Watt
A la fois méconnue et mythique, sordide pour les uns, poétique pour les autres, cette rue souterraine si singulière, qui traverse le faisceau ferroviaire entre la rue du Chevaleret et le quai Panhard et Levassor, a été chantée, filmée et dessinée par de nombreux artistes. Signe de cette ambivalence, son devenir, dans le vaste projet de rénovation du quartier, a été lui aussi l’objet de discussions, d’hésitations et de décisions fluctuantes. Elle fut d’abord vouée à disparaître dans les premières versions du projet de ZAC. Mais peut-être en souvenir de Boris Vian qui rêvait d’y planter des tomates, il fut finalement décidé de la conserver. Rénovée depuis quelques années, disons qu’elle n’est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Les nostalgiques regrettent la rue Watt d’antan. Pourtant, elle n’en vaut que davantage le détour !
Camille Kertudo
S’assoir
Au cours de notre promenade, nous nous sommes assis plusieurs fois, pour des pauses aux motifs variés : attendre quelqu’un, se reposer, observer un espace urbain. Les lieux choisis répondaient à des critères plutôt de l’ordre du plaisir. Un climat agréable : nous avons attendu les derniers arrivés sur le quai d’Austerlitz, assis ou appuyés contre les balustrades, profitant du soleil matinal. Un bon emplacement : les marches de la BnF étaient l’endroit idéal pour une photo de groupe. Une vue dégagée : les bancs et la pelouse des jardins de l’Abbé Pierre nous ont attirés depuis la rue, pour prendre un café en observant le cadre, les autres personnes installées là et les passants. L’absence de nuisances : la bordure de l’esplanade Pierre Vidal-Naquet, sorte de grand banc collectif, protégé du bruit et la pollution, était l’occasion de faire un premier bilan de la journée.
Pablo Carreras
Smart city
Ce terme anglais désigne la ville rendue « intelligente » par l’usage des technologies de l’information. Il renvoie à une vision futuriste d’une ville entièrement connectée et numériquement optimisée. Science-fiction ?
Et pourtant… les premières pierres de ces smart cities sont en train d’être posées à l’initiative de sociétés privées, qui chacune dans son domaine, apporte son lot de révolution numérique. Un exemple, 6 rue de Tolbiac, la société française ZenPark offre un service innovant, en ligne et sur mobile, de parkings partagés. Le principe ? Mettre à disposition de ses clients les places de stationnement résidentielles non-occupées dans les parkings privés (ici une propriété de l’immobilière 3F). Hormis la prouesse technique qui consiste à remplacer la télécommande d’entrée d’un parking privé par son téléphone mobile, cette société inaugure la rationalisation de l’espace dédié au stationnement.
Samuel Beaumont
Spontanée
On qualifie de « spontanée » la flore qui s’installe sans que l’Homme ne la plante ou ne la sème. Bien adaptée au contexte urbain hostile, elle se contente d’un régime frugal et d’un simple interstice où loger sa graine. Elle fleurit sur les trottoirs, court au pied des murs, zigzague entre les pavés, dès lors que les pesticides sont proscrits. Mais elle a bien du mal à prendre de la hauteur : les constructions modernes, tout en vitrages, façades lisses, formes rectilignes, sont inaptes à accueillir cette biodiversité gratuite.
Il serait pourtant simple de s’inspirer des murs en pierres de nos villages, aux jointures couvertes de Pariétaires, Capillaires, Orpins et autres Chélidoines. Réfléchir aux matériaux, aux reliefs des façades, pour offrir quelques lézardes où poser leurs racines. Cela suppose d’accepter ce qui voudra pousser et surtout, d’être patient. Car bien que spontanée, la flore sauvage prend son temps…
Robin Chalot
Street art
Animer une façade aveugle, embellir une usine désaffectée vouée à la démolition, décorer un espace public, colorer une chaussée… notre visite de la ZAC Paris Rive Gauche en témoigne, le street art ou art urbain est une solution contemporaine pour agrémenter les paysages citadins.
Graffitis, pochoirs, stickers ou mots calligraphiés… comme face à un monument implanté au milieu d’une place, l’habitant, le touriste ou tout autre usager de la ville ne peut être indifférent face à un dessin, une perspective visuelle ou un trompe l’œil maîtrisé. Les très nombreuses heures d’attente quotidiennes pour la visite de l’ancienne tour Paris 13, symbole de la reconnaissance du street art, le prouvent : le phénomène attire. A la fois forme d’expression et art graphique public, le street art ne demande qu’à se développer davantage dans l’environnement urbain. Espérons que les élus locaux portent également cette ambition.
José Pacheco
Terrasses et balcons
Ils ne sont pas une généralité dans les centres villes. Notre balade nous a pourtant montré leur diversité et leur intérêt. En effet, ils donnent la possibilité de prolonger les pièces à vivre en extérieur. Ils permettent aussi de végétaliser son espace de vie, voire de jardiner (« balconer » n’existant pas), dans de mini-potagers ou en pots (assez pour des tomates cerises). Cette présence végétale profite à tous : aux résidents, aux voisins, aux piétons et aux insectes utiles à la biodiversité.
Au moment où les règlements de PLU doivent trouver des solutions innovantes pour exiger de la diversité de volumes et de gabarits des constructions neuves (la disparition du COS ne le permet plus de façon mathématique), la prise en compte de ces éléments de construction est un objectif pour améliorer et façonner des paysages urbains verdoyants et agréables pour tous.
Catherine Brown
Une ville à interpréter
La traversée de la rue René Goscinny est l’occasion de se rappeler qu’à l’instar d’une bande dessinée, la ville est d’abord une idée puis un ou plusieurs scénarios. La ville est dessinée, la ville est couleurs, elle s’édifie en plusieurs tomes qui construisent une histoire et retranscrivent une aventure humaine, sociétale, voire technologique. La ville est dialogue, elle invite à la rêverie et développe l’imaginaire. Les composantes de la ZAC Paris Rive Gauche, des grands gestes architecturaux aux petits éléments d’animation urbaine (street art, fontaines, candélabres, sculptures, signalisation…) nous offrent une portion de ville étonnante à décrypter.