Notre invité : Alix Galbois, Président du Syndicat Mixte de Transports de la Réunion (SMTR)
Le Syndicat Mixte de Transports de la Réunion (SMTR) pour lequel nous avons analysé les résultats d’une première Enquête Déplacements Grand Territoire (EDGT) à l’échelle de la Réunion, en groupement avec nos partenaires Scan Datamining et RC2C.
En quelques mots, pouvez-vous nous présenter le SMTR ?
Créée en 2013, cette structure de coopération réunit les autorités organisatrices de la mobilité de l’île : la Région et les cinq intercommunalités.
Le SMTR s’est fixé trois axes de travail principaux. Tout d’abord, la coordination des réseaux de transports collectifs, avec la réalisation d’une étude de restructuration. Ensuite, l’harmonisation tarifaire, dont la première étape a été la mise en place du Réuni Pass, un abonnement valable sur tous les réseaux. Et enfin, l’information multimodale : notre projet phare, le STIR (Système de Transport Intelligent pour la Réunion), prévoit une billettique intégrée pour tous les réseaux, un système d’aide à l’exploitation et une plate-forme d’information incluant tous les modes de déplacements (y compris le covoiturage, les vélos en libre-service et l’autopartage).
Nous menons également plusieurs missions transversales, telles que la veille juridique et technique, l’Enquête Déplacements Grand Territoire (EDGT) et l’organisation d’événements lors de la Semaine Européenne de la Mobilité. Nous nous lançons aussi désormais dans le conseil en mobilité, en nous appuyant sur la loi de transition énergétique qui rend les Plans de Mobilités obligatoires pour les entreprises ayant un site de plus de 100 salariés.
L’analyse des résultats de l’EDGT a été présentée récemment aux membres du collège consultatif du SMTR. Quels points d’étonnement a révélé cette enquête ?
L’EDGT fut l’un des premiers sujets abordés par le SMTR ; elle fut même l’une des raisons de sa création. Auparavant, il n’y avait pas d’enquête, faute de structure fédératrice et de financement.
C’est globalement un constat d’échec pour les élus. Il n’y a pas d’évolution significative depuis 20 ans, alors que des investissements importants ont été mobilisés pour restructurer les réseaux.
Le taux de motorisation, inférieur à celui de la métropole, est une première surprise. La part importante de la marche nous étonne aussi mais ce mode de déplacement est peut-être plus subi que choisi. Autre surprise : le poids des déplacements de proximité. Tout ceci bouscule notre perception d’un territoire marqué par la congestion de ses infrastructures routières.
Les déplacements multimodaux sont extrêmement faibles, ce qui invite à renforcer l’action en particulier à l’échelle des réseaux urbains.
La part des transports collectifs semble stagner à un niveau assez bas. L’enquête apporte des informations précieuses sur le profil de leurs usagers : aujourd’hui, ce sont essentiellement des personnes qui n’ont pas d’autre choix.
Le faible usage du vélo n’est pas une surprise mais l’EDGT permet de quantifier sa pratique.
De quelles façons vont être utilisés les résultats de cette enquête ?
Notre mission est de diffuser l’information aux membres du SMTR et plus largement aux acteurs de la mobilité, à travers des publications et des présentations, que nous faisons régulièrement pour les intercommunalités ou les communes.
L’EDGT alimentera l’observatoire de la mobilité, en cours de construction avec l’Agorah[1].
Nous mettons également à disposition les données de l’enquête, à la demande des collectivités ou des bureaux d’études. Par exemple, des données ont déjà été fournies à la Région pour le projet RRTG[2] et la réalisation d’un modèle multimodal, à la SPL[3] Energies Réunion pour déterminer la localisation de bornes de recharge pour les véhicules électriques, à la CINOR[4] pour son schéma de déplacements, au Département pour des études routières ou encore à la Ville de Saint-Benoît pour un projet de renouvellement urbain.
Nous participons enfin à des analyses croisées, par exemple avec l’ADEME qui nous a demandé d’approfondir le potentiel de report de la voiture vers la marche et le vélo pour les déplacements de moins de 3 km.
Quels sont les apports de l’EDGT pour les réflexions et les projets en cours ?
L’EDGT permet de quantifier des phénomènes qui n’étaient analysés jusque-là que sur la base du ressenti. Elle conforte les politiques de mobilité déjà engagées et elle renforce la légitimité à prioriser les politiques sur les transports.
Les résultats doivent être confrontés au SRIT[5] qui vise 15% des déplacements en transports collectifs en 2030. On en est loin pour le moment ! Mais on sait sur quels leviers agir : les déplacements domicile-travail, dominés par la voiture et concentrés sur certaines périodes de la journée, contribuent largement à la congestion routière.
Les transports collectifs doivent devenir plus attractifs, en agissant non seulement sur les infrastructures mais aussi sur les fréquences et les amplitudes. Il faut fidéliser les jeunes et attirer de nouveaux usagers. L’intermodalité doit être renforcée par la coordination des réseaux et l’aménagement de pôles d’échanges. L’attractivité des transports collectifs passe aussi par l’information : aujourd’hui, il est difficile pour l’usager de savoir quelle offre dessert son domicile, par exemple et l’information en temps réel est peu développée.
L’EDGT inclut un volet sur la mobilité des personnes en situation de handicap : les résultats confirment la nécessité d’améliorer l’accessibilité des voiries et des transports publics.
Ils invitent aussi à envisager de nouvelles solutions pour desservir les Hauts, notamment le transport à la demande, en complémentarité avec le covoiturage. Ce dernier est d’ailleurs un enjeu pour l’ensemble du territoire : le nombre de personnes par véhicule est très faible à la Réunion.
Certains sujets seront à traiter dans un second temps. Le stationnement, par exemple, ne pourra être contraint que lorsque des alternatives suffisantes seront proposées. L’EDGT confirme surtout que les politiques de mobilité et d’aménagement doivent poursuivre un objectif commun : limiter l’étalement urbain, rapprocher l’emploi du lieu d’habitation et réduire les distances de déplacement.
Propos recueillis par Camille Kertudo
[1] Agence d’urbanisme de la Réunion
[2] Réseau régional de transport guidé
[3] Société Publique Locale
[4] Communauté Intercommunale du Nord de la Réunion
[5] Schéma Régional des Infrastructures et des Transports