NOTRE INVITÉ : JEAN-CLAUDE GENIES, MAIRE DE GRESSY, PRESIDENT DU SIEP MARNE NORD ET MEMBRE DE LA COMMISSION REGIONALE DE COOPERATION INTERCOMMUNALE
Au moment de l’élaboration du schéma régional de la coopération intercommunale d’Ile-de-France et alors que la mission de préfiguration de la Métropole du Grand Paris (2) travaille à l’organisation concrète et matérielle du futur EPCI , nous avons voulu nous pencher sur le ressenti d’une petite commune d’Ile-de-France.
CODRA: Que veut dire « le Grand Paris » pour la commune de Gressy, à 45 km à vol d’oiseau du cœur de la capitale ?
Que veut dire « le Grand Paris » pour la commune de Gressy, à 45 km à vol d’oiseau du cœur de la capitale ? Il n’y a qu’à regarder par la fenêtre pour comprendre la différence et le vécu des habitants, qui sont à Gressy pour son cadre rural et ne recherchent pas la proximité de la ville. Ils se sentent loi n de la capitale, pas du tout concernés par la métropole du Grand Paris et n’ont pas d’exigence particulière en termes d’équipements nouveaux. Leurs préoccupations premières portent sur l’emploi et la fiscalité. Mon rôle de maire est de répondre à ces aspirations.
Notre commune n’est pas isolée pour autant. Nous avons une longue pratique de réflexions et travaux portés à une échelle intercommunale, dont un schéma directeur établi dans les années 1990 pour maîtriser l’aménagement de notre territoire. Nous faisions également partie de la Communauté de communes des Portes de la Brie.(3)
CODRA: Comment réagissez-vous à la proposition de nouveaux périmètres des EPCI (4) dans cette partie nord de la Seine-et-Marne ?
Depuis près de trois ans, un vrai travail s’était engagé avec deux autres communautés de communes aux caractéristiques relativement proches. Ce fut un succès : depuis le 1er janvier 2014, après accord de l’Etat, nous nous sommes tous regroupés dans une nouvelle Communauté de communes Plaines et Monts de France (5), avec un souci de solidarité entre communes urbaines, périurbaines et rurales, pour la gestion partagée de services et d’équipements, comme l’eau, l’assainissement, la petite enfance, l’accès aux réseaux de télécommunication par exemple. Nous visons la « ruralité moderne ». La mise en place à Gressy d’une aire de covoiturage en est une illustration.
A la lecture du projet d’août 2014, nous avons été autant surpris que contrariés en constatant que l’Etat coupe en deux notre récent EPCI, en isolant 20 communes de l’est, à caractère très rural, et en englobant les 17 communes de l’ouest dans un projet d’EPCI du Grand Roissy. Gressy rejoindrait alors une entité de près de 350 000 habitants et 41 communes. Que faire si le nouvel EPCI a moins de compétences que nous n’en avons aujourd’hui ? Revenir à des régies communales ? Avec le risque de devoir réduire notre offre de services aux habitants ?
Qui plus est, la possibilité d’intégrer à terme la métropole du Grand Paris, au même titre que les communes urbaines denses, est exprimée à demi-mot, alors que les espaces agricoles de notre commune sont protégés dans le schéma directeur d’Ile-de-France !
CODRA:Vous avez donc beaucoup de questions à traiter dans la suite des travaux de la Commission Régionale de Coopération Intercommunale ?
Oui, à commencer par l’insuffisante prise en compte des spécificités de la Seine-et-Marne : ce département représente un tiers de la surface de l’Ile-de-France, avec des entités agricoles et rurales très fortes. On ne peut y imposer des logiques métropolitaines et des règles quantitatives.
CODRA: Cependant, ces démarches ont l’ambition de s’inscrire dans la recherche de « simplification » du paysage des collectivités locales et territoriales ; le but ne sera donc pas atteint ?
Quantitativement, il y aura moins d’EPCI. Mais qualitativement, en termes d’efficacité et de qualité de services aux habitants, ce qui se profile m’inquiète. Il semble avoir été décidé que l’espace francilien hors métropole serait composé de seulement quelques EPCI regroupant de 300 000 à 900 000 habitants chacun. Mais comment faire véritablement fonctionner ces structures au plus près des citoyens ? Je suis très inquiet pour la gestion future de nos territoires. Il aurait été plus logique et beaucoup plus courageux de commencer par réduire le nombre de communes !
Il s’agit d’un sujet de fond, tout comme ceux du statut de l’élu ou du non cumul des mandats. Autant de sujets qui pourraient passer par le biais d’une loi référendaire pour mettre le citoyen au cœur du débat. Mais nos politiques manquent de courage et la fréquence des élections est un frein à l’avancement des réflexions et des échanges.
CODRA:Vous pensez donc que la recomposition du paysage français des collectivités locales ne va pas assez loin, notamment en Ile-de-France ?
Oui, y compris parce qu’il est de plus en plus difficile de mobiliser les nouvelles générations dans la vie municipale, encore plus dans les petites communes. Réduire le nombre de celles-ci, via des fusions ou créations de communes nouvelles est une évidence et il aurait fallu le porter dans la loi MAPAM , tout en gardant un référent élu gestionnaire.
Plutôt que de recentraliser à grands coups de lois, il faudrait aller plus loin dans les logiques de décentralisation à l’échelle de la France, notamment pour l’attractivité économique des territoires éloignés des métropoles. Tous les Français n’ont pas vocation à vivre dans une métropole ! C’est le discours que je vais continuer de porter dans nos prochaines réunions de la commission régionale de coopération intercommunale.