UNE VILLE DENSE OÙ IL FAIT BON VIVRE
« Stop à l’étalement urbain ». Tel est le message porté par l’Etat, initié avec la loi SRU (1) et confirmé par les législations telles que les lois Grenelle et la récente loi ALUR (2). Assurément, il y a urgence à limiter l’étalement urbain. Mais il faut en même temps satisfaire des besoins en logements toujours importants.
Un délicat compromis
L’un des leviers d’action est d’inciter au renouvellement de la ville existante en autorisant des densités plus importantes. Bâtir une seconde maison dans son jardin, surélever un bâtiment, construire plus haut que la règle du PLU (3) en s’alignant sur les constructions mitoyennes (4)… Par ce biais, les nouvelles dispositions législatives ont pour objectif de créer toujours plus de logements, sans consommer d’espaces naturels ou agricoles.
Cependant, les opérations de densification au cœur d’un tissu existant sont souvent critiquées. Outre le refus des habitants d’accepter plus de voisins, ces constructions déplaisent : elles créent des ombres sur les jardins riverains parce que « trop hautes », elles « gâchent la vue » avec des matériaux contrastant fortement avec le paysage urbain… Avouons-le, ces plaintes sont parfois justifiées car l’insertion urbaine et la qualité architecturale sont trop souvent reléguées après les considérations économiques. Pourtant, ces qualités sont essentielles dans l’acceptation d’une opération de densification et le mécontentement des riverains est néfaste pour l’image de la densification urbaine. Alors comment assurer un renouvellement qualitatif des tissus urbains existants ?
C’est à chaque collectivité de générer un renouveau de la ville alliant qualité et densité. Cela notamment via son règlement d’urbanisme, auquel peuvent être associés chartes d’aménagement et cahiers de recommandations.
Densifier… mais pas n’importe où…
Le bien-fondé et l’acceptation de la densification passent d’abord par la pertinence de sa localisation : elle doit être mise en œuvre sur des secteurs ciblés, là où le renouvellement urbain est nécessaire. Dans les quartiers au paysage dégradé, au tissu trop hétérogène ou qui manquent d’identité, sur les grands axes ayant besoin de retrouver un caractère urbain…
Qui plus est, certains secteurs méritent d’être préservés tels qu’ils sont aujourd’hui, soit parce qu’ils participent de manière importante à la trame verte et bleue, soit parce qu’ils ont une forte valeur patrimoniale. Sans oublier que le potentiel de densification des villes doit être en partie préservé pour répondre aux besoins des générations à venir.
Densifier… mais pas n’importe comment…
La recherche de la densification peut parfois entraîner des réalisations peu satisfaisantes. Pour ne citer qu’un exemple, avec la suppression du COS(5) dans les PLU qui risque de banaliser les volumes bâtis, il devient nécessaire de trouver des règles qui vont générer des vides et des variations de ces volumes, surtout lorsque cela participe à l’intégration des bâtiments dans leur quartier. Dernier étage en recul pour limiter la perception de la hauteur du bâtiment, front urbain discontinu pour maintenir des percées visuelles, porche volumineux participant à l’animation des rez-de-chaussée… Autant d’événements architecturaux qui rendent le paysage urbain plus agréable… et qui sont faciles à mettre en place dans un règlement de PLU.
Les conditions d’une intensification urbaine acceptable sont donc multiples : en plus d’être quantitative, elle doit être qualitative et ciblée. La densité à atteindre doit permettre de conforter une vie de quartier, avec équipements, commerces de proximité et transports collectifs facilement accessibles à pied. Les habitants acceptent mieux la densité lorsqu’elle leur permet aussi de disposer de services répondant pleinement à leurs besoins. Et les constructeurs acceptent les contraintes imposées par un règlement d’urbanisme exigeant sur le plan architectural et urbain si celui-ci leur offre une constructibilité importante.
Les collectivités doivent garder à l’esprit qu’elles ont les moyens d’encadrer et de maîtriser quantitativement et qualitativement ces évolutions sans dénaturer l’identité locale des quartiers, des villes et des villages.
Amandine Martin-Laval